À Los Angeles, elle défile pour son père menacé d’expulsion : “Je prends la parole pour ceux qui ne l’ont pas”

C’était sa première manifestation : elle tenait à être vue dans la foule des milliers de personnes convoquées derrière le mot d’ordre “No kings” [“Pas de rois”]. Ce samedi 14 juin, à El Segundo, elle voulait faire entendre sa voix.

Mais elle était là pour son père aussi.

Elle brandissait une pancarte qui lui a valu bien des coups de klaxon approbateurs : “Je prends la parole pour ceux qui ne l’ont pas”.

Son père aurait tant voulu être avec elle, me dit Jennifer. Mais avec ces descentes incessantes de l’ICE [la police de l’immigration] à Los Angeles et les centaines d’arrestations qui ont eu lieu ces derniers jours, c’est un risque que cet homme de 55 ans, sans papiers, ne pouvait pas se permettre.

Jennifer a 29 ans. Je ne l’avais pas vue depuis presque vingt ans : à l’époque, j’avais écrit un article sur son père, puis je m’étais rendu chez eux à Inglewood pour leur remettre 2 000 dollars, récoltés grâce aux dons faits par les lecteurs de l’article.

Petit retour en arrière. En décembre 2005, une info m’arrive concernant un coup de feu survenu dans le jardin d’une maison à Inglewood. Deux hommes ont abordé un jardinier en lui demandant de l’argent. Il a résisté, et, dans l’affrontement, il y a eu un tir.

Les secours ont conduit l’homme aux urgences, où les médecins ont établi que la balle, passée tout près du cœur, s’était logée dans sa poitrine. Au personnel qui lui recommande de rester une nuit en observation, l’homme répond qu’il se sent bien, et qu’il doit reprendre le travail.

Ce paysagiste, que j’appelle “Ray”, tient à quitter l’hôpital immédiatement. Comme il me l’explique plus tard, son client l’a embauché pour transformer son jardin en cadeau de Noël pour son épouse. Ray a reçu cette balle le 23 décembre. À Noël, il a fini son chantier.

Je pense beaucoup à Ray depuis le début des rafles que mène l’ICE sur